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Chapitre 1 de la Longue nuit, l'aventure d'Éric Balmuth, anciennement publié sur Atramenta, un anti-héro victime d'un tremblement de terre de dimention mondiale.
Combien parviendront à survivre sans perdre leur humanité ?

Chapitre 1 de la Longue nuit, l'aventure d'Éric Balmuth, anti-héro victime d'un tremblement de terre de dimention mondiale. Combien parviendront à survivre sans perdre leur humanité ?

Cartoon - Chapitre 1

   J’ai toujours été fasciné par les petites bascules de la vie, ces instants-charnières, comme des billes en équilibre sur le fil d’un rasoir, ces aiguillages anodins du destin qui se révèlent souvent les nœuds décisifs de nos vies.

   Ce fameux vendredi de mars, dernier jour du Monde d’Avant, je me trouvais à Angoulême. Toute la matinée, j’y avais prospecté les boutiques de confection du centre-ville pour proposer notre gamme d’accessoires de pluie. En début d’après-midi, un incident mécanique m’avait contraint à reporter mon dernier rendez-vous au lendemain. Ce contretemps amputait mon week-end et m’obligeait à passer la nuit sur place, mais, après tout, personne ne m’attendait à Besançon, ni femme, ni enfant, pas même un chien ou une plante verte.

   Vers dix-sept heures, j’ai pu récupérer ma voiture. Dans les rues, les flots de passants se bousculaient. L’ouverture du vingt-sixième festival Cartoon venait d’être proclamée par le président d’honneur. Les festivités allaient durer trois jours.

   Je me suis mis en quête d’une chambre pour la nuit. Malheureusement, les sites de réservation en ligne affichaient tous complet. Je dus me rabattre sur Brûleterre, à vingt-cinq kilomètres de là. J’en avais à peine parcouru huit quand j’ai donné un grand coup de volant et écrasé brutalement le frein. Ma Rover est partie en travers avant de s’immobiliser au beau milieu d’une intersection. La bête énorme qui m’avait coupé devant – un chien ou un sanglier – avait déjà disparu. Je suis resté figé quelques secondes, le cœur battant. Face à moi, se dressait un panneau que j’avais été à deux doigts de percuter. Enfin, plutôt qu’un panneau, c’était un simple morceau de planche cloué sur un piquet bancal : Rose Mercier – chambres d’hôtes – 2 kms.

   Comme une mise en garde, les lettres maladroites tracées avec un vieux fond de peinture verte laissaient entrevoir la pension miteuse, les courants d’air aux portes, le papier peint d’avant-guerre décoloré aux fenêtres, les sommiers grinçants et la tenancière acariâtre au chignon trop mou qui arrondissait ses fins de mois avec les représentants de commerce égarés.

 

   Une hésitation de quelques secondes. Une bille sur un fil, oscillant entre l’assurance d’un hôtel deux étoiles à quinze kilomètres et la probabilité d’une chambre décrépite à deux pas. Une croisée des chemins devant laquelle, en temps normal, je n’aurais eu aucune hésitation. Pourtant, contre toute logique, alors que mon cerveau avait décrété qu’il fallait prendre à gauche, un de ces lapsus musculaires dont, des années après, on soupèse encore la part d’intentionnalité inconsciente, m’a fait relâcher l’embrayage et filer droit vers la pension Mercier.

   Deux minutes plus tard, pestant contre les virages innombrables d’une route de campagne où croisement et demi-tour sont interdits, je le regrette déjà.

   Je l’ignore encore, mais ce paysage inconnu et inhospitalier va devenir mon paysage. Ce territoire va devenir mon territoire. Je le défendrai au péril de ma vie. Ici commence le chemin de ce que sera ma nouvelle existence, pleine d’événements inattendus, incroyables, terribles, extraordinaires, cruels et fantastiques…

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